Esprit des lois (1777)/L19/C10
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Du caractere des Espagnols, & de celui des Chinois.
Les divers caracteres des nations sont mêlés de vertus & de vices, de bonnes & de mauvaises qualités. Les heureux mélanges sont ceux dont il résulte de grands biens, & souvent on ne les soupçonneroit pas ; il y en a dont il résulte de grands maux, & qu’on ne soupçonneroit pas non plus.
La bonne foi des Espagnols a été fameuse dans tous les temps. Justin[1]
nous parle de leur fidélité à garder les
dépôts ; ils ont souvent souffert la mort
pour les tenir secrets. Cette fidélité
qu’ils avoient autrefois, ils l’ont encore
aujourd’hui. Toutes les nations qui commercent à Cadix, confient leur fortune
aux Espagnols, elles ne s’en sont jamais
repenties. Mais cette qualité admirable,
jointe à leur paresse, forme un mélange
dont il résulte des effets qui leur sont
pernicieux : les peuples de l’Europe
font sous leurs yeux tout le commerce
de leur monarchie.
Le caractere des Chinois forme un autre mélange, qui est en contraste avec le caractere des Espagnols. Leur vie précaire[2] fait qu’ils ont une activité prodigieuse, & un désir si excessif du gain, qu’aucune nation commerçante ne peut se fier à eux[3]. Cette infidélité reconnue leur a conservé le commerce du Japon ; aucun négociant d’Europe n’a osé entreprendre de le faire sous leur nom, quelque facilité qu’il y eût à l’entreprendre par leurs provinces maritimes du nord.