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Utilisateur:Berdea/Guerre d'Espagne

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Guerre civile espagnole
Description de cette image, également commentée ci-après
Dans le sens des aiguilles d'une montre à partir d'en haut à gauche : canon antiaérien de l'armée républicaine pendant la bataille de l'Èbre ; troupes républicaines pendant le siège de l'Alcázar de Tolède ; Guernica après le bombardement ; représentation de la bataille de Belchite ; siège de Madrid.
Informations générales
Date -
Lieu Espagne
Issue Victoire des nationalistes
Belligérants
Camp républicain

Brigades internationales
Drapeau de l'URSS Union soviétique

Drapeau du Mexique Mexique (au niveau diplomatique)
Camp nationaliste

Protectorat espagnol du Maroc

Drapeau du Royaume d'Italie Italie

Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand

Volontaires étrangers

Commandants
Manuel Azaña
José Giral
Francisco Largo Caballero
Juan Negrín
Lluis Companys
José Antonio Aguirre
Belarmino Tomás
Buenaventura Durruti
Vicente Rojo Lluch
José Miaja
Juan Modesto
Juan Hernández Saravia
Francisco Franco
Gonzalo Queipo de Llano
Emilio Mola
José Antonio Primo de Rivera
José Sanjurjo
Juan Yagüe
Mario Roatta
Annibale Bergonzoli
Ettore Bastico
Mario Berti
Gastone Gambara
Hugo Sperrle
Wolfram von Richthofen
Eoin O'Duffy
Forces en présence
450 000 hommes
        (1938)
35 000 hommes[2]
3 000 hommes[3]



Total : 490 000 hommes
600 000 hommes
        (1938)
75 000 hommes[4]
17 000 hommes[5]
15 700 volontaires étrangers

Total : 700 000 hommes

Guerre d'Espagne

Batailles

La guerre d'Espagne (également désignée sous le nom de guerre civile espagnole[N 1]) est un conflit qui, du au , opposa en Espagne, d'une part le camp des républicains, orienté à gauche et à l'extrême gauche, composé de loyalistes à l'égard du gouvernement légalement établi de la IIe République et de révolutionnaires anarchistes, et d'autre part les nationalistes, le camp des rebelles putschistes orienté à droite et à l'extrême droite mené par le général Franco. Cette guerre se termina par la victoire des nationalistes qui établirent une dictature qui dura 36 ans, jusqu'à la transition démocratique qui n'intervint qu'à la suite de la mort de Franco.

Cette guerre civile fut la conséquence, sur le long terme, des malaises sociaux, économiques, culturels et politiques qui accablaient l'Espagne depuis plusieurs générations. Après la proclamation de la IIe République en 1931, l'exacerbation croissante des tensions entre Espagnols culmina avec l'insurrection durement réprimée des Asturies (1934) et la résurgence de troubles civils et de violences réciproques au printemps 1936, après la victoire électorale du Frente Popular. Préparé de longue date, le soulèvement militaire et civil du camp nationaliste éclata le , mais sa mise en échec partielle déboucha sur une guerre civile imprévue, longue et meurtrière.

Pendant le conflit, dans certains territoires sous contrôle républicain, une révolution sociale aboutit à la collectivisation des terres et des usines, et expérimente différentes sortes d'organisation de type socialiste (soutenues notamment par des anarchistes de la CNT[6]).

Ce conflit, qui mobilisa les opinions et les États européens, peut apparaître comme une répétition de la Seconde Guerre mondiale. Il permit de jauger les rapports de force européens (attentisme des démocraties française et britannique, engagements de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie, tout comme de l'Union soviétique). Il eut un retentissement médiatique et culturel très important (entre autres avec L'Espoir d'André Malraux, Hommage à la Catalogne de George Orwell, ou encore Pour qui sonne le glas d'Ernest Hemingway).

Contexte politique

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Proclamation de la Seconde République

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Alphonse XIII en compagnie de Miguel Primo de Rivera, en mars 1930.
Couverture de la constitution de 1931.

Après avoir destitué le chef du gouvernement Miguel Primo de Rivera en janvier 1930, le roi d'Espagne Alphonse XIII affiche l'intention de revenir, après une période dictatoriale, à un régime constitutionnel.

Cependant, après de nombreuses manifestations anti-monarchiques, la signature de l'accord de Saint-Sébastien entre courants républicains, la victoire de nombreux candidats républicains aux élections municipales du 12 avril 1931, est interprétée comme une défaite du régime monarchiste, même si, avec 40 %, la coalition antimonarchiste n'obtient pas la majorité sur l'ensemble du territoire mais seulement dans les grandes villes. Les zones rurales, où se concentre la grande majorité de la population, sous l'influence des caciques, votent davantage pour la monarchie.

Les socialistes et les républicains pensaient que le moment était venu : le 13 avril ils décrètent l'expulsion de la monarchie et la Seconde République espagnole est proclamée le 14 avril 1931 : ils sont maintenant les responsables du gouvernement du pays et forment aussitôt un Gouvernement provisoire, présidé par Niceto Alcalá Zamora.

Les élections municipales n'avaient pas pour vocation de changer la forme politique de l'État. La Constitution de 1876, alors en vigueur, ne prévoyait évidemment pas qu'une telle consultation pût entraîner la chute de la monarchie. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d'analystes politiques, généralement hostiles à la République, ont considéré que sa proclamation dès le 14 avril 1931, qui plus est sous la pression de la rue madrilène, fut une forme de «coup d'État» et une «subversion de l'ordre constitutionnel».

Alphonse XIII décide alors de s'enfuir en exil.

Débuts de la République (1931–1933)

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Sous la présidence de Niceto Alcalá-Zamora, les deux premiers gouvernements, dirigés successivement par Manuel Azaña puis Alejandro Lerroux, bénéficient de la participation du PSOE, représenté par trois ministres : Indalecio Prieto (Finances), Francisco Largo Caballero (Travail), Fernando de los Ríos (Justice) ; ils mènent une politique de réformes sociales, notamment par une loi de réforme agraire, appliquée cependant de façon assez modérée ; le gouvernement Azaña y ajoute une politique de laïcisation et établit un statut d'autonomie pour la Catalogne (rétablissement de la Généralité).

Manifestation républicaine à Barcelone lors de la proclamation de la Seconde République.

Ils ont également le souci de l'ordre public (loi de défense de la République, octobre 1931 ; loi sur l'ordre public, juillet 1932) mais vont se heurter à la fois à la droite (tentative de putsch du général Sanjurjo en 1932, dite « Sanjurjada ») et aux actions de formations de gauche plus radicales[7]. Ainsi, des groupes anarchistes organisent une grève à Séville en juillet 1931, un soulèvement dans le district minier du Haut-Llobregat (Catalogne), durant lequel des militants anarcho-syndicalistes (dont Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso, qui seront déportés au Sahara) proclament le récommunisme libertaire, et les soulèvements de janvier 1933 dans le Levant, la Rioja et en Andalousie ; dans cette région, les militants insurgés à Casas Viejas (province de Cadix) subissent une répression féroce de la Garde civile. Les tensions entre syndicalistes et garde civile causent plusieurs morts à Castilblanco et Arnedo en janvier 1932.

Au cours de l'année 1933, le PSOE met fin à la collaboration avec les républicains, entraînant la chute du gouvernement Azaña ; Alejandro Lerroux, un radical, forme un gouvernement plus centriste.

Bienio negro (1934–1935)

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Drapeau du syndicat CNT-AIT.

Après les élections générales de novembre-décembre 1933, la CEDA (Confederación Española de Derechas Autónomas), devient le premier parti des Cortes par le nombre d'élus. Disposant de cette majorité relative, le chef de la CEDA, José María Gil Robles s'attend à être appelé pour former le nouveau gouvernement, mais le président de la République, Niceto Alcalá Zamora fait de nouveau appel à Lerroux pour diriger une coalition centriste. La gauche refuse en effet que la CEDA accède au gouvernement.

Le , la CNT déclenche une insurrection à Saragosse.

Au printemps 1934, inquiète de l'entrée prévisible de la CEDA au gouvernement, la direction du PSOE, assurée par Francisco Largo Caballero, suivie par le syndicat proche du parti socialiste, l'UGT, s'oriente vers une stratégie révolutionnaire de prise du pouvoir[N 2]. S'ils se présentent encore aux élections, ils travaillent davantage dans les luttes sociales, avec les anarchistes notamment. Le contexte historique est important pour comprendre cette attitude : en 1933, Hitler a pris le pouvoir légalement en Allemagne ; or un grand nombre de sympathisants de l'extrême-gauche croient que José Maria Gil Robles désire établir une dictature fasciste. Socialistes et anarchistes multiplient les appels à la grève générale.

Drapeau de la Phalange espagnole.

Le , Lerroux fait entrer trois représentants de la CEDA dans le gouvernement. L'UGT lance un ordre de grève générale (mais pas la CNT). Des insurrections d'origine socialiste ont lieu à Madrid et en Catalogne, où le président de la Generalitat catalana, Lluis Companys, déclare que l'État catalan est désormais une composante de la République Fédérale Ibérique. Mais, dans ces deux cas, la CNT refusant de suivre le mouvement, l'ordre est facilement rétabli (en Catalogne, Companys est arrêté et le statut d'autonomie suspendu). En revanche, des soviets sont organisés dans la seule région qui y soit prête, la région très ouvrière des Asturies où les socialistes ont obtenu leurs meilleurs scores en 1933 et où la CNT locale s'associe au mouvement. Cette insurrection est parfois appelée la « Commune espagnole » ou la « Révolution d'octobre » puisqu'elle culmine en octobre 1934 lorsque les mineurs contrôlent un territoire de quelque 1 000 km2 autour d'Oviedo et au sud de cette ville. L'insurrection est matée dans le sang par les troupes d'Afrique commandées par Franco. La répression ordonnée par le gouvernement est terrible (1 000 morts, 20 000 arrestations). Les arrestations concernent même plusieurs dirigeants : Francisco Largo Caballero, Manuel Azaña et Lluis Companys parmi les plus importants. Le socialiste modéré Indalecio Prieto, pourtant opposé à la ligne de Largo Caballero, préfère s'exiler en France. Désormais, un fossé de sang sépare le mouvement ouvrier du pouvoir en place.

Bien que le centre-droit au pouvoir s'attache à revenir sur les réformes adoptées par la gauche entre 1931 et 1933, il ne rassure pas pleinement ses partisans. Les événements des Asturies ont accru l'angoisse de voir en Espagne une guardrévolution s'apparentant à la révolution russe de 1917. La tentation de recours à un coup de force s'étend, entretenue par l'activisme des mouvements royalistes (Carlistes) ou nouveaux (la Phalange). Les deux Espagnes sont désormais hantées par deux grandes peurs : celle de la révolution bolchevique et celle du fascisme. La courte victoire d'un Front populaire groupant l'ensemble de la gauche aux élections législatives de février 1936 est à replacer dans ce contexte.

Au cours de l'année 1935, la participation de la CEDA au gouvernement est renforcée ; José María Gil Robles devient ministre de la Guerre et place à des postes importants certains généraux. En janvier 1936, il demande au Président de la République de lui confier la responsabilité d'un nouveau gouvernement, mais Niceto Alcalá Zamora préfère dissoudre les Cortes.

Élections et les débuts du Front populaire (1936)

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Drapeau du Front populaire espagnol.

Aux élections de février 1936, le Front national dominé par la CEDA remporte 33,2 % des suffrages et 191 sièges, auxquels on peut joindre ceux de 18 députés centristes, mais est devancé par le Front populaire qui avec 34,3 % des voix remporte 254 sièges aux Cortes, grâce à des arrangements[N 3] dénoncés par le président Niceto Alcalá Zamora et à une abstention importante, qui bien qu'en baisse par rapport à 1933 (90 %), représente le tiers restant[N 4]. Les élections qui se déroulent dans un climat de violence (41 morts et 80 personnes grièvement blessées) sont marquées par des fraudes importantes qui ont permis la victoire du Front populaire[9],[10],[11].

À droite, on pense que cette coalition de gauche va faire une révolution, à gauche, on considère que la droite voulait établir une dictature fasciste. Certains anarchistes ont appelé à voter pour le « Front populaire », une des rares exceptions à leur principe d'abstention aux élections. Dans la plupart des cas, cette attitude n'est pas due à un vote d'adhésion ou à un « vote utile » mais plutôt à un vote tactique. En effet, le Front populaire a promis la libération de tous les prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvent 15 000 militants anarchistes et/ou anarcho-syndicalistes.

Le Front populaire tente de reprendre l'action du gouvernement de 1931, mais le climat est difficile. D'un côté, une partie du peuple, subissant souvent des situations de grande pauvreté, met en œuvre, de sa propre initiative, les réformes sociales promises par les partis du Frente popular, mais qui tardent à venir. De l'autre, les notables, industriels ou paysans aisés, qui ont peu confiance dans le régime républicain ou dans le parlementarisme pour maintenir l'ordre, sont radicalement anticommunistes. Les crimes politiques se succèdent, commis par les milices ouvrières (nombreux massacres de prêtres) ou par les milices nationalistes et les représailles s'enchaînent. L'État ne maintient plus l'ordre.

Le groupe de généraux responsables du putsch était formé depuis 1933-1934, et la décision de passer à l'acte intervient en mars 1936. Le chef en est Sanjurjo, en exil au Portugal depuis son putsch raté de 1932 ; l'organisateur est Mola, secondé par Cabanillas, Fanjul, Goded et Queipo de Llano. Franco, mis dès le départ au courant du projet, hésite à s'engager. C'est l'assassinat par des membres des forces de sécurité républicaines d'un des chefs et député de la droite monarchiste, José Calvo Sotelo le , qui le décide à agir[12]. Non sans mal, les militaires obtiennent l'appui des milices carlistes et de la Phalange.

Coup d'État et révolution

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Complot militaire

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Les généraux nationalistes Emilio Mola et Francisco Franco en 1936.

Dès le lendemain des élections de 1936, qui voient la victoire du Frente Popular, des complots se forment, notamment avec les généraux Sanjurjo, Mola, Goded, Fanjul, et, plus en retrait, Franco.

Le gouvernement, informé de ces conspirations, a pour seule réaction de déplacer les hauts responsables soupçonnés loin de la capitale : Emilio Mola est muté à Pampelune, Franco aux îles Canaries. La première réunion des conjurés a lieu le à Madrid ; l'insurrection est prévue pour le 19 ou le 20 avril, sous la direction de Sanjurjo, en exil au Portugal depuis sa tentative ratée de coup d'État de 1932.

Mais Mola reste en position de force : muté dans une région qui est probablement parmi les plus antirépublicaines d'Espagne, il peut comploter à loisir. Le , il élabore un premier projet politique fondé sur la disparition de la république et sur l'unité de l'Espagne. Dès juin, les contacts se tissent entre conjurés. Le coup d'État doit être retardé car Mola a quelques difficultés pour obtenir le soutien des milices carlistes de Navarre, qui exigent un retour à une monarchie conservatrice.

L'assassinat du monarchiste Calvo Sotelo par des militants républicains le met le feu aux poudres. Les militaires décident de lancer l'offensive les 17 (au Maroc) et (péninsule), sans objectif politique autre que le renversement du pouvoir de gauche ; la forme républicaine ou non de l'État n'est pas encore vraiment un enjeu.

Préparatifs d'un pronunciamento

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L'échec électoral de la CEDA aux élections de février 1936 a discrédité Gil Robles au bénéfice des partisans du coup d'État. Toutefois, les premiers gouvernements de Front populaire (gouvernement Azaña puis Casarés Quiroga) sont plus modérés que ceux du premier exercice biennal et n'incluent pas de ministres socialistes. Le ministre de la Guerre, le général Carlos Masquelet, laisse ses collègues Villegas, Saliquet, Losada, Gonzalez Carrasco, Fanjul, Orgaz et Varela sans affectation et déplace Goded, Franco et Mola vers des postes moins importants. La réaction ne se fait pas attendre. Le 8 mars, les généraux écartés se réunissent au domicile madrilène de Delgado Barreto, un ancien collaborateur de Primo de Rivera. Se sachant soutenus par une base civile solide, ils décident du jour du soulèvement, le 20 avril, et se séparent après avoir laissé la préparation entre les mains d'une junte présidée par Rodriguez del Barrio. Toutefois, le gouvernement découvre la conspiration et Rodriguez del Barrio, gravement malade, fait marche arrière.

Confronté à l'inefficacité de cette junte, Mola prend en charge la préparation du putsch, mais comme il n'est que général de brigade, il s'appuie sur l'autorité du chef de la conspiration, le lieutenant général Sanjurjo, alors exilé au Portugal. Mola, sous le pseudonyme de Director, étend son réseau aux garnisons, avec l'aide de l'Union Militaire Espagnole (UME), une société militaire. Comme ses dirigeants ne sont que commandants ou capitaines, ils ne peuvent pas affilier des généraux, mais en revanche, un grand nombre de membres de l'état-major. Finalement, la conspiration réussit à rallier non seulement des militaires mécontents et ennemis du régime, mais aussi une paire de généraux formellement républicains : Gonzalo Queipo de Llano, irrité parce que son ami Niceto Alcala Zamora vient d'être destitué de la présidence de la République et Miguel Cabanellas, avec lequel il avait évolué vers le lerrouxisme (politique d'Alejandro Lerroux) se rallient aux opposants au nouveau régime. En revanche, Mola ne parvient pas à convaincre Franco. Quatre ans auparavant, pendant l'été 1932, lors du procès de Sanjurjo pour rébellion militaire et alors qu'il encourait la peine de mort, Franco s'était refusé à le défendre avec une phrase cruelle : « Général, vous avez gagné le droit de mourir, non pas pour vous être soulevé, mais parce que vous avez échoué ». Depuis lors, Sanjurjo le haïssait. C'est pourquoi Franco se refuse à prendre part à ce complot.

Toutefois, tous les conjurés espèrent le persuader de les rejoindre. Angel Herrera Oria convainc Juan March, un financier espagnol, de déposer 500 000 pesetas à son nom dans une banque française, un montant similaire à celui destiné à Mola. Il finance aussi la location d'un avion britannique (bimoteur biplan De Havilland Dragon Rapide) piloté par un mercenaire, le capitaine Bebb, que Luis Bolín, correspondant d'ABC à Londres, fait envoyer aux îles Canaries par ordre de l'éditeur du journal ABC, Juan Ignacio Luca de Tena. Dans l'hypothèse du ralliement de Franco à la conspiration, l'appareil devait servir à le transporter au Maroc pour remplacer le général Agustín Gómez Morato, considéré comme loyal à la République. Les conjurés feront escale à Casablanca sans être inquiétés.

Coup d'État raté et l'enlisement

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Barcelone 19 juillet 1936.

L'insurrection militaire de juillet 1936 survient après plusieurs mois de grèves, d'expropriations, de batailles entre paysans et gardes civils. Francisco Largo Caballero, chef de l'aile gauche du parti socialiste, avait demandé en juin d'armer les ouvriers ; mais Manuel Azaña avait repoussé cette proposition. Le soulèvement débute le au Maroc espagnol où Franco prend le commandement des troupes, après être arrivé en avion des îles Canaries via le Maroc français, mettant sa femme et sa fille en lieu sûr à Casablanca. Le putsch gagne l'ensemble de la métropole dès le lendemain. En fait seule une partie (les 25e) de l'Espagne s'est ralliée, c'est un échec technique. Quand l'insurrection éclate, le gouvernement républicain se trouve paralysé. Ses premiers communiqués, au bout de 24 heures confuses, se veulent rassurants, reconnaissant seulement qu'une partie de l'armée s'est soulevée au Maroc. À Séville, des travailleurs désarmés tentent en vain de s'opposer au soulèvement dirigé par Queipo de Llano. Le gouvernement, par crainte de les voir tomber entre de mauvaises mains, refuse de donner des armes aux travailleurs qui en réclament, menaçant de faire fusiller ceux qui leur en fourniraient.

Le gouvernement républicain tente une conciliation avec les militaires. Le président Manuel Azaña propose la mise en place d'un gouvernement de compromis à la place du Frente popular : le , il nomme Diego Martínez Barrio chef du gouvernement, mais doit rapidement constater l'échec de ses efforts. Ni du côté nationaliste avec Mola, ni du côté républicain avec le socialiste Francisco Largo Caballero, on ne veut de compromis. L'issue guerrière est inévitable, et dès le lendemain de sa nomination, Martinez Barrio démissionne, remplacé par José Giral. Le , à Barcelone, les militants de la CNT commencent à s'armer, dans les arsenaux et les chantiers navals. Leur détermination fait basculer de leur côté la Garde civile et la Garde d'Assaut, obligeant les militaires à capituler dans cette ville qui est la deuxième du pays. Quand le gouvernement décide de donner des armes à la population, celle-ci est, de fait, déjà armée.

À Madrid, des armes sont finalement distribuées, là aussi, aux ouvriers, mais dépourvues de culasses. La population lance cependant un assaut, le , contre la caserne de la Montana, et s'en empare. Si certaines régions tombent rapidement (Navarre, Castille-et-León, Galice, Andalousie occidentale, grandes villes d'Aragon), le reste du pays demeure fidèle à la République. Madrid, Valence et Barcelone, malgré le soulèvement de la garnison locale, restent aux mains des républicains, grâce notamment aux milices ouvrières très vite mobilisées.

Au bout d'une semaine et après quelques gains nationalistes sur le terrain, le pays est coupé en deux zones de superficies à peu près égales : d'un côté les nationalistes, de l'autre les républicains, qui conservent les régions les plus riches, les plus industrielles et les plus urbanisées (Catalogne, Madrid, Guipuscoa, Biscaye, Asturies, Levant).

Révolution

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Image d'une pièce de monnaie de 25 centimes datant de 1937 frappée par les Nationalistes.
Image d'une pièce de monnaie de 5 centimes de 1937 frappée par les Républicains.

En tentant ce coup d'État, les militaires ont déclenché la révolution dans le pays. Voyant les travailleurs armés, bien des patrons s'enfuient ou rejoignent le camp des nationalistes. En réaction, la population ouvrière saisit les entreprises, 70 % d'entre elles en Catalogne, 50 % dans la région de Valence, et instaure un contrôle sur les autres. Les paysans collectivisent les trois quarts des terres. L'ensemble des biens de l'Église est également saisi, les couvents deviennent des réfectoires pour les miliciens, des écoles, des salles de bal, etc. Les autorités légales ont perdu tout pouvoir, ne disposent plus, à quelques exceptions près, de forces de police et militaires. À la place, les syndicats et les partis de gauche mettent en place, là où ils sont implantés, les organes d'un nouveau pouvoir, organisent des milices pour combattre les nationalistes, réorganisent les transports, l'approvisionnement des villes, transformant des usines pour les besoins de la guerre.

Cependant, les partis et organisations ouvrières, tels que le PCE, le PSOE, l'UGT, la CNT et le POUM laissent le gouvernement en place : début septembre, José Giral cède la place à Francisco Largo Caballero qui donne deux ministères aux communistes ; en novembre, ce sont des anarchistes qui entrent au gouvernement ; peu à peu, celui-ci reconstitue une armée qui va s'opposer aux milices et supprimer les comités mis en place par les organisations ouvrières. En novembre 1936, tous les ministres (y compris les anarchistes) signent un décret sur la dissolution des milices et leur incorporation dans les forces de l'armée régulière. Celles qui refusent d'entrer dans l'armée du gouvernement ne reçoivent plus d'armes, ce qui a pu faciliter la victoire des nationalistes sur plusieurs fronts ; les tribunaux révolutionnaires sont remplacés par les tribunaux du régime précédent. Ainsi, si l'énergie de la gauche révolutionnaire dans les premiers jours du soulèvement avait tenu en échec les militaires, la révolution est peu à peu désarmée, sans qu'aucun parti ouvrier ne s'y oppose réellement[réf. nécessaire].

État de l'armée à la veille des combats

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Écu du Conseil régional de défense d'Aragon, organe créé durant la Révolution sociale espagnole de 1936.

En principe, la loi de 1912 a établi la conscription et fixé le service militaire à trois ans ; en 1924, il est fixé à deux ans, puis à un an en 1930. Mais les cas d'exemptions sont innombrables et il est très inégalitaire (par exemple, on peut tout à fait légalement l'éviter moyennant le paiement d'une cuota). Par ailleurs, le budget ne permet ni instruction, ni entraînement, aussi les appelés sont fréquemment envoyés en permission de longue durée. De ce fait, en métropole, dans chaque division d'infanterie, trois régiments sur quatre sont en sommeil et le quatrième n'est pas aligné sur ses droits en effectifs.

D'après S. Balfour, en juillet 1936, il y aurait moins de 16 000 appelés présents sous les drapeaux et environ la moitié resteront fidèles à la République. Cependant, durant le conflit, ce sont près de trois millions d'hommes qui sont mobilisés, parfois dans le camp opposé à leurs idéaux. L'armée espagnole, avant la guerre, a une réputation plutôt médiocre, avec un matériel hors d'âge et des tactiques d'un autre temps, qui lui ont valu des revers humiliants et sanglants lors de la guerre du Rif au début des années 1920.

Rapport de forces

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Les forces en présence sont équilibrées au commencement du conflit. Les effectifs de chaque camp sont estimés à environ 500 000 hommes au début de 1937. La livraison d'armes allemandes et italiennes permet une nette amélioration de l'armement de l'armée nationaliste. Les avions italiens se révèlent décisifs lors des premiers jours du conflit, en permettant aux troupes franquistes de franchir le détroit de Gibraltar. Des firmes étrangères telles que Ford et Texaco fourniront également, à crédit, camions et carburant en quantités importantes. De plus, les nationalistes disposent des troupes les plus aguerries : les Maures et les « Tercios » de la Bandéra (Légion étrangère espagnole). Stationnées au Maroc espagnol, elles sont commandées par des officiers qui ont l'expérience des guerres coloniales. Les républicains sont quant à eux progressivement équipés d'armes soviétiques, mais l'approvisionnement pose problème en raison du blocus maritime des puissances européennes, plus relâché du côté nationaliste. Moscou enverra aussi des conseillers militaires, essentiellement utilisés pour faire fonctionner les avions et les chars, ainsi que des commissaires politiques du Komintern, essentiellement pour assurer la répression au sein des forces communistes dissidentes, tels que les trotskistes et les militants du POUM.

Les problèmes majeurs, pour les républicains, se posent du côté de l'organisation. En effet, il s'agit d'une armée populaire créée de toutes pièces, et n'obéissant pas au gouvernement, car basée sur l'idée d'une défense populaire assurée par chaque citoyen, sans commandement centralisé. Mettant en échec cette organisation, avec le concours de la CNT possibiliste, le gouvernement a tenté de créer une armée populaire sous la forme d'un corps national (en place au printemps 1937), avec une discipline et un commandement communs. Ces hésitations reflètent l'opposition entre la bourgeoisie libérale (représentée par les partis socialiste et communiste) tenante d'une armée organisée, et les révolutionnaires, surtout anarchistes, partisans d'une défense populaire. En règle générale, l'armée républicaine souffre d'une carence en officiers d'active qui ont pour beaucoup choisi de rejoindre le camp nationaliste. La plupart des bâtiments de la Marine sont restés aux mains de la République, mais les marins, sans leurs officiers, ne sont pas capables d'en faire un bon usage.

Guerre civile

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Belligérants

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Le camp « nationaliste » se fédéra par l'union des conservateurs, des monarchistes et des phalanges nationalistes de José Antonio Primo de Rivera, plus proche du fascisme. Ces sensibilités politiques divisées aux élections du se rejoignirent pour s'opposer au Front Populaire (Frente Popular). Ils se dénommaient eux-mêmes nacionales (« nationaux »), tandis que leurs opposants les appelaient fascistas (fascistes) ou facciosos (« factieux ») ; quand le général Franco prit leur tête, on se mit à les désigner également sous le nom de « franquistes ». Le camp républicain se composait quant à lui de différentes forces unies contre le front nationaliste. De nombreux militants, issus de tendances diverses (républicains laïcs et plutôt socialement conservateurs, anarchistes, communistes, socialistes, etc.), surnommés rojos (les « rouges ») par leurs ennemis, s'engagèrent aux côtés des forces armées loyales envers la République espagnole, certains pour défendre la démocratie parlementaire et d'autres pour tenter de constituer des formes alternatives de gouvernement.

Opérations

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Carte des opérations militaires.
  • Zone nationaliste initiale en juillet 1936
  • Avancée nationaliste en septembre 1936
  • Avancée nationaliste en octobre 1937
  • Avancée nationaliste en novembre 1938
  • Avancée nationaliste en février 1939
  • Dernière zone sous contrôle républicain
  •  : Principaux centres nationalistes
  •  : Principaux centres républicains
  •  : Champs de bataille
  •  : Batailles navales
  •  : Villes bombardées
  •  : Camps de concentration
  •  : Massacres
  •  : Camps de réfugiés
  • Sur le plan militaire, la guerre d'Espagne présente les caractéristiques suivantes. Il s'agit tout d'abord d'une guerre qui, sauf dans sa dernière phase, se déroule sur plusieurs fronts à la fois. La guerre comporte sur ces différents fronts une succession de phases de mouvement et de longues phases de guerre de position avec utilisation de tranchées. Les républicains, par tactique ou par obligation, sont souvent sur la défensive, en résistant d'ailleurs souvent bien. Leurs offensives sont presque toujours de faible ampleur, mal conçues, rapidement stoppées voire contrées, et se traduisent souvent par des pertes (humaines et matérielles) importantes. Cette situation contribue à affaiblir progressivement le camp républicain.

    La guerre proprement dite commence fin juillet 1936 quand les troupes du Maroc (les plus compétentes et les mieux entraînées) emmenées par Franco traversent le détroit de Gibraltar le 5 août afin de rejoindre le reste de l'armée, composé notamment de 15 000 requetés carlistes dirigés par Mola. Au total, 62 000 hommes de troupes du Maroc servirent dans les forces nationalistes dont 37 000 sont engagées au printemps 1937. Les troupes marocaines progressent vers le nord, en attaquant durement les villes et villages rencontrés. Simultanément, dans le nord du pays, des combats opposent les républicains aux « requetés » carlistes, en particulier au Pays basque et à proximité de la frontière française. Dans les zones contrôlées par la République, des mouvements de contre-offensive se lancent. Trois colonnes se forment pour essayer de reconquérir du terrain sur les territoires nationalistes ; la plus célèbre est sans doute la « colonne Durruti », du nom de son commandant, Buenaventura Durruti. Par ailleurs, les républicains ont reconquis Minorque mais échoué à prendre le contrôle du reste des Baléares.

    En octobre, Franco doit faire un choix stratégique : aux portes de la capitale, il préfère détourner ses troupes au sud, vers Tolède pour aller sauver les insurgés assiégés dans l'Alcazar. Ceci laisse le temps aux Madrilènes d'organiser la défense. Lorsque les nationalistes atteignent Madrid en novembre 1936, la défense est acharnée : chaque rue est défendue (avec le célèbre slogan de La Pasionaria, « ¡No pasarán ! »). Autour de la capitale, plusieurs opérations ont lieu en février et mars 1937, en particulier la bataille du Jarama et la bataille de Guadalajara. Malgré des pertes très lourdes, la ville tient bon et en mars 1937, les nationalistes doivent se rendre à l'évidence : la prise de Madrid a échoué.

    Ils décident donc de s'occuper d'abord des poches de résistances républicaines que sont le Pays basque et les Asturies. Une première campagne se déroule autour de Bilbao, que les républicains ont entourée d'une « Ceinture de Fer » qui n'a guère contribué à ralentir les nationalistes, qui parviennent à prendre la ville le et à contrôler le reste de la province dans les jours suivants. En août, les combats se portent dans la région de Santander, qui tombe le 26 août. Les Asturies restent alors seules dans le nord de l'Espagne à rester sous contrôle de la République. Cette petite zone résiste longtemps mais doit capituler le 17 octobre, laissant ainsi les forces nationalistes entièrement maîtresses de la côte atlantique.

    Entre temps, les républicains se lancent dans d'autres offensives difficiles, en particulier à Brunete et à Belchite, mais ces combats meurtriers ne leur permettent qu'une progression limitée. Dans les derniers jours de l'année 1937, les troupes républicaines engagent le combat pour Teruel qu'elles parviennent à prendre lors de combats qui se déroulent dans des conditions très rudes pour les deux camps, notamment en raison du grand froid qui règne à Teruel cet hiver-là. Cette opération est toutefois contrecarrée et la ville est reprise par les nationalistes après moins d'un mois. Après la reprise de Teruel, l'armée nationaliste poursuit l'offensive et parvient à gagner la côte, le 6 avril, coupant ainsi en deux le territoire contrôlé par les républicains. Ceux-ci essaient encore d'attaquer lors de la bataille de l'Èbre (à partir du ) mais c'est un nouvel échec : les républicains sont contraints de repasser l'Èbre au prix de pertes importantes. Dès lors, le sort du conflit est scellé : la Catalogne est conquise sans grande résistance en . Madrid est tombée après deux ans de combats et d'intenses bombardements par la légion Condor. Le reste de l'Espagne est enlevé dans le mois, les derniers combats ayant eu lieu à Alicante.

    Le , Franco peut annoncer que « la guerre est finie ».

    Violences et exécutions

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    Du Pont Neuf, le pont reliant les deux parties de la ville de Ronda, des prisonniers ont été précipités dans le vide aussi bien par des forces armées nationalistes que républicaines[13].

    La guerre d'Espagne a été particulièrement violente, surtout lors des grandes batailles (comme la bataille de l'Èbre, mais surtout celle de Teruel). Mais la guerre a également été marquée par des tueries en dehors des combats à proprement parler. Il y a eu des exécutions, parfois sommaires, parfois organisées et même précédées de jugements hâtifs ou inexistants, comme lors des « sacas de presos ».

    Lors de cette « révolution » des atrocités sont commises de part et d'autre. Bartolomé Bennassar explique ainsi : « Il y eut bien, face à face, deux volontés d'extermination, l'une plus organisée, c'est vrai, l'autre plus instinctive, l'une et l'autre exacerbées »[14].

    En zone nationaliste

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    Les militaires fidèles au gouvernement sont les premières victimes partout où les rebelles prennent le pouvoir (hors de tout combat). Il s'ensuit le massacre des militants et sympathisants des syndicats et organisations de gauche à partir de listes établies à l'avance. Au fur et à mesure de la progression des troupes rebelles et de la prise des villes et villages au tout début de la guerre, les militants et sympathisants de la République sont systématiquement arrêtés, emprisonnés ou fusillés. Ce seront ainsi des dizaines de milliers de victimes qui seront exécutées sommairement[15]. Un des plus grands massacres collectifs a lieu les 14 et à Badajoz, en Estrémadure, où de nombreux miliciens désarmés sont sommairement fusillés, lorsque les nationalistes, principalement des unités de la Légion, s'emparent de la ville. Ce massacre a été révélé pour la première fois par deux journalistes français et un journaliste portugais. Le bilan est à l'époque évalué à 2 000 victimes, mais il est, selon Hugh Thomas, plus proche de 200[N 5]

    Au Pays basque, la répression frappe notamment le clergé catholique qui avait maintenu la présence de l'Église en territoire républicain alors que la hiérarchie avait choisi le camp nationaliste. Le 27 octobre 1936, 16 prêtres sont fusillés, d'autres sont emprisonnés ou expulsés de la région[17]. La fin de la guerre n'a pas signifié pour autant le retour à la paix. Les exécutions se poursuivront au cours des années suivantes, manifestant la soif de vengeance des vainqueurs caractérisant le régime dictatorial pendant de longues années et la misère et la terreur pour les vaincus[15]. Les lettres de dénonciation sont tellement nombreuses que la prescription des délits politiques non dénoncés est ramenée de quinze à deux ans dès janvier 1940[18].

    En zone républicaine

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    Les massacres des opposants commencent dès le début de la rébellion. L'appartenance sociale ou politique suffit la plupart du temps dans l'acte d'accusation pour justifier une exécution[19]. Ce fut le cas par exemple pour les officiers de la garnison de Lérida, les officiers de la base navale de Minorque et ceux de Carthagène. Ce fut aussi le cas pour les députés de droite pourchassés en zone républicaine et dont 24 sont exécutés. Les prêtres et les religieuses sont parmi les autres principales victimes de ces massacres, notamment en Catalogne. Selon les études consacrées à la fureur qui a saisi l'Espagne en 1936[20], plus de 7 000 religieux dont 13 évêques, 4 184 prêtres, 2 365 moines et 283 religieuses ont été assassinés durant cette période[21]. Soit 88 % du clergé dans le seul diocèse de Barbastro (Aragon), dont l'évêque, Mgr Asensio Barroso, émasculé vivant avant d'être assassiné le . Neuf diocèses perdirent ainsi plus de la moitié de leur clergé, la seule appartenance à ce dernier étant justiciable d'une exécution sommaire. Ceux qui ont pu y échapper se trouvaient en zone nationaliste, ou avaient pu fuir, se cacher ou bénéficier de protections. À ces tueries s'ajoutèrent les incendies d'églises et de couvents, les profanations d'autels et de sépultures[22]. En septembre 1936, devant des réfugiés espagnols, le pape Pie XI dénonçait ce qu'il désignait comme une « haine de Dieu satanique professée par les républicains ».

    À partir du , des tribunaux populaires (les « checas », du russe tchéka[23]) donnent un formalisme juridique aux exécutions. Des commissions d'épuration sont mises en place afin de recenser les suspects à partir de leurs antécédents sociopolitiques. En Asturies par exemple, elles dressent les listes des sympathisants des partis de droite dont les « plus chanceux » sont victimes d'expropriation[24]. Durant l'été 1936[25], en plus des 7 000 à 8 000 religieux, près de 2 000 phalangistes sont massacrés en zone républicaine, hors de tout combat, sans que le gouvernement ne condamne un seul instant ces crimes commis par ses propres partisans des milices syndicales (« les patrouilles de l'aube ») et sans que cela soit en représailles de fusillade du camp adverse. Des actes d'une grande violence frapperont notamment les religieuses ou les jeunes filles des organisations catholiques tombées entre les mains des républicains. La conséquence immédiate sera le ralliement de nombreux centristes catholiques aux militaires insurgés.

    À Madrid, entre 1936 et 1939, selon César Vidal, près de 15 000 personnes auraient été fusillées[26]. Des exécutions sommaires massives ont lieu à partir notamment du , et coûtent la vie à plusieurs anciens ministres de la République comme José Martínez de Velasco, Manuel Rico, Ramon Álvarez ainsi qu'à Melquíades Álvarez, chef du parti libéral-républicain et Fernando Primo de Rivera, frère du fondateur de la Phalange[27]. Le 22 septembre 1936, Rafael Salazar Alonso, ancien ministre radical condamné à mort pour son implication présumée dans le soulèvement militaire sans qu'aucune preuve ne soit fournie, est exécuté le lendemain à la prison de Madrid[28]. Les détenus politiques de Jaén transférés vers Madrid sont exécutés en chemin. À Malaga, le , 130 personnes sont fusillées[27],[N 6].

    Du 2 au , cinq mille personnes sont fusillées à Paracuellos et Torrejón de Ardoz, et enterrées dans des fosses communes. Les victimes sont à la fois des détenus madrilènes évacués de la ville, des étudiants d'un collège catholique et les membres de familles aisées de la ville[26]. Les responsables seraient, selon certains historiens, Margarita Nelken, une députée socialiste, et Santiago Carrillo, qui continue de nier le rôle qui lui est attribué dans ces massacres.

    À partir de , les victimes des massacres des républicains vont davantage concerner le camp républicain lui-même[29]. En effet, les rapports de force mutent fortement dans le cadre du conflit : les nécessités d’organisation liées à la guerre permettent une restructuration du pouvoir plus centralisée, au détriment des organisations de pouvoir locales de tradition fédéraliste. Cette centralisation du pouvoir permet au PCE, soutenu par les autres groupements républicains, de purger, au cours de l’été 1937, les tendances libertaires de la CNT (au profit d’une mainmise du PCE). Elle mène également à la chute de Barcelone dont les éléments révolutionnaires sont réprimés militairement. Enfin, le Parti ouvrier d'unification marxiste (Poum), seul parti pro-révolutionnaire, est dissout par la force[30].

    Attitude des pays étrangers et interventions

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    Non-intervention de la France et du Royaume-Uni

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    Léon Blum, promoteur du pacte de non-intervention.

    En France, Léon Blum, de tout cœur avec les républicains reçoit une demande d'assistance le à laquelle il répond positivement, mais il doit faire marche arrière devant l'opposition de la droite, des radicaux (Édouard Herriot), du président modéré Albert Lebrun et du Royaume-Uni. Finalement, le choix est fait d'appliquer une politique de « non-intervention », seule notion permettant d'associer les Britanniques au règlement du conflit.

    Côté britannique, le gouvernement de Neville Chamberlain et les élites britanniques voient l'Espagne comme un pays en pleine révolution « communiste » (les Britanniques refusent de se battre pour des « communistes espagnols »). De plus, tout est fait pour éviter un conflit avec les puissances totalitaires : on pense qu'en étant conciliants avec l'Allemagne, on peut arriver à s'entendre avec Hitler sur ses ambitions expansionnistes.

    C'est dans ce contexte que Léon Blum propose le pacte de non intervention, signé par la quasi-totalité des pays européens. Un comité est créé à Londres pour en définir les modalités. Chaque pays se voit chargé d'empêcher la livraison d'armes en Espagne : les Britanniques doivent assurer le respect d'un embargo sur les armes dans l'Atlantique, la France dans les Pyrénées, et l'Italie sur la côte méditerranéenne.

    La France et le Royaume-Uni (envoi d'arme illégalisé le [31]) envoient cependant des armes aux républicains mais secrètement.

    Participation italienne

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    L'aide italienne au camp nationaliste, limitée au début du conflit, devient massive dès la fin de l'année 1936. Elle se matérialise par des livraisons importantes de matériel (près de 700 avions et 950 chars) mais surtout par l'envoi de nombreux soldats. Le Corps des Troupes Volontaires (Corpo Truppe Volontarie en italien, abrégé CTV) atteint jusqu'à 50 000 hommes. Contrairement aux troupes allemandes, les Italiens sont bien intégrés dans les combats après leur défaite à la bataille de Guadalajara. Mussolini semble envoyer ses troupes davantage dans le but de renforcer son rayonnement que par affinité idéologique avec Franco. Même si le fascisme partageait son inspiration socialiste avec le nationalisme espagnol, Franco était un fervent catholique[réf. nécessaire] et un militaire de carrière conservateur, donc tout l'opposé d'un fasciste athée et révolutionnaire. Pour Mussolini la guerre en Espagne est l'occasion d'effectuer une propagande d'ampleur internationale. Mussolini a aussi des intérêts économiques (des armes italiennes sont vendues aux nationalistes) et stratégiques (utopie d'une mainmise sur la Méditerranée, qui passerait notamment par l'annexion des îles Baléares espagnoles[réf. nécessaire]). Mussolini espérait également placer un régent italien[réf. nécessaire] sur une partie de l'Espagne.

    En , les Italiens bombardent Barcelone, fief des républicains espagnols. Les quelque 3 000 morts, 5 000 blessés graves et 20 000 blessés légers[32] soulèvent l'indignation de la communauté internationale. Le pape Pie XI admoneste Mussolini.

    Participation allemande

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    Bombardement de Guernica, le .

    Serrano Suner, beau-frère de Franco, alors admirateur de Goering, demande de l'aide à l'Allemagne nazie pour que l'Italie n'ait pas la mainmise sur l'Espagne. L'Allemagne nazie participe au conflit aux côtés des nationalistes en engageant 10 000 hommes au plus fort du conflit, mais ce sont essentiellement des techniciens et instructeurs, peu de soldats. Les rares forces de combat sont limitées à quelques compagnies de chars et aux avions de la légion Condor.

    Hitler se sert de cette guerre pour essayer le nouveau matériel et y gagne aussi sur le plan économique. Il a négocié en échange de son aide le contrôle des sociétés minières espagnoles. Le bombardement de civils à Guernica au Pays basque, le 26 avril 1937, par des pilotes envoyés par l'Allemagne et ayant décollé de Brême, préfigure les stratégies de la guerre totale appliquées plus tard, lors de la Seconde Guerre mondiale. Après cet événement, condamné par une bonne partie de la communauté internationale, l'aide allemande se réduit.

    Autres aides aux nationalistes

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    Les nationalistes ont également obtenu l'aide du Portugal d'António de Oliveira Salazar qui enverra une légion de 20 000 hommes (appelés Viriatos). Toutefois, l'aide du Portugal s'arrêtera là. Le général Sanjurjo qui était en exil au Portugal ne fut pas autorisé à partir d'un aéroport officiel. Son avion dut décoller d'un terrain privé et s'écrasa dans un bois en bout de piste. Sanjurjo trouva la mort dans cet accident. Les troupes franquistes, n'étant pas autorisées à rentrer en terrain portugais, trouvèrent d'énormes difficultés pour franchir les cols de Somosierra et Guadarrama durement défendus par les républicains. Ce passage fut facilité par la désertion d'une compagnie de gardes civils entière.

    On peut noter aussi le renfort plus anecdotique des 600 à 700 Irlandais de la Légion Saint-Patrick ou des 300 Français de la « Bandera Jeanne d'Arc »[33]. Aux États-Unis, les nationalistes purent compter dans les milieux industriels et financiers sur des sympathisants qui, par des livraisons de pétrole et de camions ou une aide financière, contribuèrent dans une mesure non négligeable à leur assurer la victoire. Ce fut notamment le cas de la Texas Oil Company, de Ford, de Studebaker ou de General Motors[34].

    Participation de l'Union soviétique

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    Affiche d'une exposition des placards de « l'Espagne révolutionnaire » au Musée de l'Ermitage (Leningrad, URSS), 1936.

    L'URSS intervient timidement en faveur des républicains, notamment par l'intermédiaire du Komintern, au nom de la lutte contre le fascisme. Plusieurs généraux républicains, membres du PCE, comme Juan Modesto ou Enrique Líster, ne sont pas sortis du rang, mais avaient été formés en URSS où ils avaient trouvé refuge au début des années 1930. Mise en avant et largement vantée par la propagande communiste, l'aide réelle de l'URSS s'élève à « 630 avions, 330 tanks et moins de 1000 canons ». Les plaintes des combattants républicains et de ceux des Brigades internationales concernant la médiocrité et la vétusté de ce matériel sont nombreuses[35]. Le prix, lui, est élevé car les armes sont largement surfacturées et Staline exige en contrepartie que les réserves d'or de l'Espagne détenues par la République « soient mises en sécurité » en URSS où elles resteront après la fin de la guerre et ne seront jamais rendues[35]

    L'URSS envoie peu d'hommes (seulement 2 000, pour la plupart des conseillers) et de plus les livraisons d'armes sont irrégulières et l'acheminement difficile vers certaines régions. Après les accords de Munich, l'aide soviétique décroît rapidement. Les Soviétiques encouragent et soutiennent également les Brigades internationales et cherchent à éliminer les marxistes non staliniens (principalement en Catalogne) et les anarchistes. La tiédeur de l'engagement soviétique peut s'expliquer par le pragmatisme de Staline : face à la menace grandissante de l'Allemagne hitlérienne envers l'URSS, il cherche à conclure des alliances militaires avec la France et le Royaume-Uni, cette préoccupation primant sur un soutien à une révolution prolétarienne internationale qui risquerait de lui aliéner ces pays. Ou, plus probablement, Staline a déjà l'idée d'un rapprochement avec l'Allemagne nazie, le pacte Ribbentrop-Molotov, peut-être parce qu'il a le sentiment d'avoir été marginalisé lors de l'accord naval entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne en 1935. Dès lors, parce qu'il chercherait à ménager le rival allemand, son soutien à la cause républicaine ne peut être que limité[36].

    Brigades internationales

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    Drapeau des Brigades internationales.

    Aux côtés des républicains, des volontaires venus du monde entier, souvent des communistes, des marxistes, des socialistes ou des anarchistes, mais aussi des anti-fascistes plus modérés, se sont engagés dans des groupes qui ont pris le nom de Brigades internationales. Environ quarante mille étrangers, venus de 53 pays différents participèrent au conflit, bien que leur nombre à un instant donné n'ait jamais dépassé 18 000. Jusqu'à 5000[réf. à confirmer] Américains, réunis dans la Brigade Abraham Lincoln, participent aux brigades internationales[37]. Avant même la constitution des Brigades internationales, des étrangers participèrent à la colonne Durruti : la française Simone Weil ou le belge Louis Mercier-Vega en sont des exemples.

    Volontaires polonais des Brigades internationales jurant loyauté et fidélité à la République.

    Autres aides aux républicains

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    Le Mexique, malgré les ressources limitées de ce pays, fournit « aux républicains vingt mille fusils Mauser, vingt millions de cartouches et de la nourriture »[38] tandis que la Centrale sanitaire suisse, créée en 1937 pour apporter une aide médicale aux victimes républicaines de ce conflit, amène sur place du matériel chirurgical et de transfusion sanguine, ainsi que des ambulances.

    Refuge contre les bombardements aériens dans la ville de Valence.

    Particulièrement violente, et durablement traumatisante, la guerre d'Espagne est tristement célèbre comme théâtre de multiples exactions. Elle vit en particulier les premiers bombardements militaires sur les civils, perpétrés par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, alliés de Franco, l'élimination du POUM et de ses responsables antistaliniens par le NKVD et des anarchistes par le Parti communiste espagnol, des massacres spontanés de suspects, d'hommes d'Église ou de membres des classes moyennes et dirigeantes par des anarchistes et des communistes dans les mois qui suivirent la sédition militaire, tandis que le nouvel État nationaliste se construisait à travers la terreur et l'épuration systématiques. En particulier, les franquistes refusèrent toutes les propositions adverses de compromis et poursuivirent, après leur victoire, une répression incessante et de très grande ampleur[39].

    Cette guerre civile fut également le théâtre des prémices de la Seconde Guerre mondiale, les futurs belligérants européens commençant à s'y affronter plus ou moins directement : l'Allemagne d'Hitler et l'Italie de Mussolini apportèrent leur soutien à Franco, tandis que l'Union soviétique de Staline vendit des armes aux républicains (tout en cherchant la prise de pouvoir au sein de la République). La France et le Royaume-Uni choisirent la non-intervention et le blocus des exportations d'armes, mais laissèrent les Brigades internationales s'engager aux côtés des républicains. La guerre d'Espagne divisa et passionna les opinions publiques du monde entier. L'engagement de nombreux intellectuels et artistes auprès des combattants, en particulier dans les Brigades internationales, a contribué à lui faire acquérir très vite une dimension légendaire qui perdure.

    Par ailleurs, pour certains historiens, la Seconde Guerre mondiale a débuté avec la guerre civile qui oppose en effet de 1936 à 1939 républicains et nationalistes en Espagne et qui fait environ 400 000 morts. Dès 1936, les Européens y voient un conflit à portée universelle : pour la gauche, elle marque l'expansion du fascisme, et pour la droite, elle révèle la menace du bolchévisme.

    Fosse commune découverte à Estépar (province de Burgos), datant d'août-septembre 1936.

    Le chiffre des victimes reste difficile à quantifier. Les sources manquent parfois, soit qu'elles n'aient pas été constituées, soient qu'elles aient disparu. Quand elles existent, elles sont souvent manipulées ou accusées de l'être, et font donc encore parfois l'objet de controverse. Dans les deux camps, on a pu parler d'un million de morts (chiffre énorme pour un pays de 26 millions d'habitants), mais ce chiffre est largement considéré comme exagéré. Actuellement, les estimations les plus sérieuses varient entre 380 000 et 451 000 morts[réf. nécessaire] des conséquences directes de la guerre.

    Les chiffres suivants[N 7] sont des estimations :

    • 100 000 à 285 000 soldats morts au combat (pertes militaires directes)
    • 10 000 à 15 000 civils morts des bombardements
    • 40 000 à 200 000 exécutions en zone nationaliste
    • 20 000 à 86 000 exécutions en zone républicaine
    • 30 000 à 200 000 exécutions par le gouvernement franquiste entre 1939 et 1943

    La seule bataille de l'Èbre aurait fait près de 60 000 victimes.

    Entre 1936 et 1939, il y eut 114 000 disparus, non retrouvés, recensés en 2016, mais avant, le chiffre était bien plus élevé,car certains seront retrouvés après 1975 (mort de Franco) dans des fosses communes, retrouvées fortuitement lors de travaux, ou de fouilles archéologiques, quand des sites sont connus de témoins encore vivants, ou lors de consultations d'archives[réf. nécessaire].

    Il faut ajouter à ces chiffres la surmortalité due à la famine ou aux épidémies, mais le chiffre de ces victimes (estimé à 330 000[41]) est difficile à établir.

    Enfin, il y eut aussi de nombreuses victimes lors de la répression qui suivit la défaite des républicains, en 1939, qui se déroulera de 1939 à 1975. Il y eut de nombreux règlements de compte surtout entre 1939 et 1945, car durant cette période, les autres pays européens, en guerre contre l' Allemagne et l'Italie, avaient d'autres priorités, et n'avaient pas les moyens de protester contre les exactions des Franquistes contre d'anciens républicains, d'autant plus qu'ils redoutaient que l'Espagne, alors neutre, entre dans le conflit aux côtés de l'Axe. L' Espagne était donc un pays fermé, pendant la Seconde Guerre mondiale, et à l'étranger, l'ampleur de la vengeance, et de la répression des Franquistes était donc inconnue. Le bilan des morts de cette période reste donc mal connu. Après 1946, le régime franquiste, voulant se donner une légitimité internationale, craignant une réaction des États-Unis, et souhaitant rejoindre l'ONU, la répression diminua, devenant discrète, et se concentrera plus tard sur l'ETA au Pays basque, et vers les indépendantistes catalans[réf. nécessaire].

    Réfugiés et exilés

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    La guerre a entraîné d'importants mouvements de population, souvent décidés dans la précipitation sans projet précis pour les personnes déplacées. Si certains de ces déplacements se sont faits à l'intérieur de l'Espagne, la guerre a surtout conduit des Espagnols à quitter leur pays, souvent de manière provisoire, parfois de manière définitive. Les premiers mois, voire les premiers jours de la guerre voient le début de l'exode : depuis le Pays basque, des républicains quittent le pays pour la France ; en Catalogne, ce sont des personnes méfiantes voire hostiles envers les républicains qui partent, par bateau, vers Marseille ou vers l'Algérie. Par la suite, de nombreuses personnes, républicaines pour la plupart, ont quitté l'Espagne. Les destinations ont été variées, mais c'est la France qui a été la plus choisie, les trois autres grands pays d'exil ou de refuge étant le Royaume-Uni, le Mexique et l'URSS.

    En France même, ce sont les départements à proximité de l'Espagne[42], qui ont accueilli le plus de réfugiés, avec une forte immigration espagnole dans les villes de Bordeaux et de Toulouse, où résidaient déjà des Espagnols. Les autres départements de la côte Atlantique (Loire-Inférieure notamment) ont également été concernés, ainsi que le Massif central, les Bouches-du-Rhône et la région parisienne. L'accueil des arrivants a été très différent d'un endroit à l'autre : tantôt ils étaient bien reçus et faisaient même l'objet d'actions de solidarité, tantôt ils étaient regardés avec méfiance voire hostilité dans une France en crise marquée par certaines formes de xénophobie.

    Cette émigration vers la France a connu un mouvement d'accélération important au cours de la bataille de l'Èbre et dans les mois suivants, dans un mouvement appelé la Retirada (retraite). En mars 1939, le nombre de réfugiés espagnols en France a été estimé à 440 000 personnes (d'après l'information de Valière au gouvernement français, 9 mars 1939). Devant un tel afflux, les autorités françaises se sont trouvées débordées, et certains de ces réfugiés se sont trouvés regroupés dans des « camps de concentration », suivant le terme employé officiellement à l'époque.

    Le départ d'Espagne de toutes ces personnes n'a pas toujours été définitif. Certains, pendant la guerre, n'ont fait que passer par la France pour quitter le Pays basque occupé par les nationalistes, et rentrer par la Catalogne encore tenue par les Républicains. Toutefois, la plupart de ceux qui ont quitté le pays n'y sont pas revenus avant la fin de la guerre civile. Certains réfugiés sont retournés dans l'Espagne franquiste, en particulier quand le régime s'est adouci, d'autres ont attendu la transition démocratique. En réalité, pour de nombreux républicains espagnols, l'installation à l'étranger est devenue définitive, mais ces familles entretiennent le souvenir de la guerre civile. En 1939-1940, beaucoup de républicains demandent à s'engager dans les bataillons étrangers de l'armée française, malgré la méfiance des officiers français envers ces « Rouges ». Par la suite, ils sont nombreux à rejoindre la résistance française, les maquis (on parle de 60 000 maquisards espagnols dans le Sud-Ouest en 1944) et les Forces françaises libres. Lors de la libération de Paris, le premier détachement de l'armée Leclerc à entrer dans Paris est une compagnie composée en majorité d'espagnols, surnommée La Nueve.

    L'écrivain et résistant communiste Jorge Semprún est l'une des figures les plus emblématiques de l'émigration républicaine.

    Chronologie

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    Carte générale de la Guerre d'Espagne. En rose : zone républicaine. En beige : zone nationaliste.
    Situation en août/septembre 1936.
    Situation en octobre 1937.
    Situation en novembre 1938.
    Situation militaire en février 1939. En beige : zone nationaliste. En rose :zone républicaine.

    Les Nationalistes comme les Républicains frappèrent monnaie. Devant la pénurie d'espèces, des conseils régionaux, des villes, des entreprises, des coopératives… émirent des monnaies de nécessité.

    • « Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai dit », Miguel de Unamuno in Discours à l'université de Salamanque, 12 octobre 1936.
    • « La tragédie espagnole est un charnier. Toutes les erreurs dont l'Europe achève de mourir et qu'elle essaie de dégorger dans d'effroyables convulsions viennent y pourrir ensemble… Un tel cloaque, image de ce que sera demain le monde », Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune, 1938, p. 151 ; cité in Jean Guéhenno, Journal des années noires, 28 avril 1942, Gallimard, 1947.
    • « La falsification historique consiste à attribuer la responsabilité de la défaite espagnole aux masses ouvrières, et non aux partis qui ont paralysé, ou purement et simplement écrasé, le mouvement révolutionnaire des masses. Les avocats du POUM contestent tout simplement le fait que les dirigeants portent quelque responsabilité que ce soit, afin d'éviter d'avoir à assumer leur propre responsabilité. Cette philosophie de l'impuissance, qui cherche à faire accepter les défaites comme de nécessaires anneaux dans la chaîne des développements cosmiques, est parfaitement incapable de poser, et se refuse à poser, la question du rôle de facteurs aussi concrets que les programmes, les partis, les personnalités qui furent les organisateurs de la défaite. Cette philosophie du fatalisme et de la prostration est diamétralement opposée au marxisme, théorie de l'action révolutionnaire », Léon Trotsky in La révolution espagnole (1930-1940), textes présentés par Pierre Broué, Minuit, 1975.
    • « J'ai décrit notre armement ou plutôt notre manque d'armement, sur le front d'Aragon. Il ne fait guère de doute que les communistes retinrent délibérément les armes de crainte qu'il n'en allât trop aux mains des anarchistes qui ultérieurement, s'en serviraient pour atteindre un but révolutionnaire ; en conséquence la grande offensive d'Aragon qui eût obligé Franco à se retirer de Bilbao et peut-être de Madrid, ne fut jamais déclenchée », George Orwell, Hommage à la Catalogne.
    • « Personne n'est mieux placé que moi pour savoir quels étaient vos soucis pendant la guerre et ce que les républicains espagnols vous doivent. Je n'ai jamais cessé en privé de rétablir les faits quand la malice ou l'ignorance tâchaient de défigurer la vérité ; je me demande si un jour je ne devrai pas le faire en public, de mon vivant, puisqu'un jour mes Mémoires se publieront après un voyage ultime », Lettre de Juan Negrín à Léon Blum, février 1948, citée dans Léon Blum, chef de gouvernement, p. 372.

    Dans les arts

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    Guernica de Pablo Picasso.

    Œuvres d'art

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    Littérature

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    Bande dessinée

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    • Les temps mauvais, Madrid 1936-1939, scénario et dessin de Carlos Giménez, Fluide glacial, 222 pages, 2013. En un peu plus d'une quarantaine d'épisodes, on découvre le terrible quotidien des gens ordinaires : bombardements, terreur, assassinats, famine, tuberculose, etc. La BD est suivie d'un cahier didactique de 16 pages par Phil Casoar, incluant une interview de C. Giménez.

    Photographies

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    Notes et références

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    1. Par métonymie avec la révolution sociale d'extrême-gauche de 1936 qui s'est concrétisée pendant cette période par des collectivisations et des expériences d'organisation sociale jusqu'alors inédites en Espagne, l'expression de « révolution espagnole » a été employée par certains historiens d'extrême gauche comme Gaston Leval dans Espagne libertaire, 36-39 : l'œuvre constructive de la Révolution espagnole ou encore Pierre Broué dans La révolution espagnole : (1936-1939) : Journée d'études du 18 mai 1969.
    2. « Desde la primavera de 1934, atenta al avance de la derecha, la directiva del PSOE se manifestó resuelta a tomar el poder por la fuerza, rompiendo la legalidad republicana, y a practicar una política abiertamente revolucionaria. El único lugar donde los trabajadores estaban preparados para esa lucha era Asturias, y hacia allí se dirigieron todas las miradas cuando estalló la revolución de octubre, aplastada por el general Franco, que dirigió las operaciones militares desde Madrid. Traduction : Depuis le printemps 1934, attentif à l'avancée de la droite, la direction du PSOE était déterminée à s'emparer du pouvoir par la force, à briser la légalité républicaine et à pratiquer une politique ouvertement révolutionnaire. Le seul endroit où les ouvriers étaient préparés pour ce combat était les Asturies, et tous les regards étaient dirigés quand la révolution d'octobre a éclaté, écrasée par le général Franco, qui dirigeait les opérations militaires depuis Madrid. »[8].
    3. À éclaircir : s'agit-il d'accords de désistement ?
    4. La notion de « tiers restant » mériterait un éclaircissement.
    5. Thomas se fonde sur l'enquête qu'il a lui-même menée sur place en 1959[16].
    6. Robert Brasillach, comme d'autres écrivains ou journalistes en reportage du côté nationaliste en Espagne, publia plusieurs récits d'atrocités commises dans le camp républicain, témoignant par exemple de l'extermination de familles entières, père, mère et enfants, et de l'exposition publique de leurs cadavres.
    7. Chiffres donnés par Guy Hermet, qui lui-même se réfère à Gabriel Jackson (en) et Hugh Thomas[40].

    Références

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    1. Éric David, « La Condition juridique des volontaires Belges pendant la Guerre d'Espagne (1936-1939) », Revue belge d'histoire contemporaine, vol. XVIII, nos 1-2 « La Belgique et la guerre civile d'Espagne (1re partie) »,‎ (lire en ligne).
    2. Thomas, 1997, p. 754.
    3. Thomas, 1997, p. 755.
    4. Thomas, 1997, p. 752.
    5. Thomas, 1997, p. 751.
    6. Leval, 1983.
    7. Broué et Tamime, 1996, p. 32-33.
    8. (es) Fernando García de Cortázar (es), Atlas de Historia de España, Madrid, Editorial Planeta, , 568 p. (ISBN 840800539-1 et 978-840800539-1), p. 477.
    9. (es) Javier Redondo, « El 'pucherazo' del 36 », sur elmundo.es, El Mundo, (consulté le ).
    10. (es) Juan Avilés, « 1936: Fraude y violencia en las elecciones del Frente Popular », sur elcultural.com, El Cultural, (consulté le ).
    11. (es) Santos Juliá, « Las cuentas galanas de 1936 », sur elpais.com, El País, (ISSN 1697-9397, consulté le ).
    12. (es) Javier Torres, César Vidal a Actuall: “El libro sobre el fraude del 36 deslegitima la ley de Memoria Histórica”, actuall.com, 15 mars 2017.
    13. Hugh Thomas, The Spanish Civil War, (1961) p. 176.
    14. Bennassar, « La guerre d'Espagne et ses lendemains », 2004, p. 110.
    15. a et b Silva et Macías, 2006.
    16. Thomas, 1997.
    17. Philippe Glesener, « Transcription du film Mourir à Madrid »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur mediatheque.territoires-memoire.be, Médiathèque des Territoires de la Mémoire, Liège.
    18. Angel Palomino, Biographies croisées, Grancher, 2005, p. 264.
    19. Bennassar, « Franco », 1995, p. 121.
    20. (es) Antonio Montero Moreno, Historia de la persecución religiosa en España (1936-1939), Biblioteca Autores Cristianos, (1re éd. 1961), 926 p. (ISBN 847914728-8 et 978-847880652-2).
    21. Payne et Tusell, 1996, p. 592-596.
    22. Henri Tincq, « Espagne : le pape et son lugubre cortège », sur lemonde.fr, Le Monde, (ISSN 0395-2037, consulté le ).
    23. Beevor, 2008, p. 161.
    24. Bennassar, « Franco », 1995, p. 121-122.
    25. Hermet, 1989.
    26. a et b César Vidal, « Paracuellos, le Katyn espagnol », La Nouvelle Revue d'histoire, no 25 « 1936-2006. La guerre d'Espagne »,‎ (ISSN 1764-2019).
    27. a et b Bennassar, « Franco », 1995, p. 120.
    28. (es) Gabriele Ranzato (es), El eclipse de la democracia : La guerra civil española y sus orígenes, 1931-1939, Madrid, Siglo XXI de España Editores, coll. « Historia », , 720 p. (ISBN 84-323-1248-7 et 978-84-323-1248-9, présentation en ligne), p. 397.
    29. Guy Hermet, La tragédie espagnole dans « les collections de l'Histoire », avril-juin 2006.
    30. François Godichau, « La fin des légendes », L'Histoire,‎ , p. 44-46.
    31. Berdah, 1993.
    32. Bennassar, « La guerre d'Espagne et ses lendemains », 2004, p. 232.
    33. Roussillon, 2012.
    34. Beevor, 2008, p. 258.
    35. a et b Sygmunt Stein (trad. du yiddish par Marina Alexeeva-Antipov, postface Jean-Jacques Marie), Ma guerre d'Espagne : Brigades internationales : la fin d'un mythe, Paris, éd. Seuil, coll. « Biographie », (1re éd. 1956 en feuilleton et 1961 en livre) (ISBN 2-02103932-3 et 978-2-02103932-0, présentation en ligne), p. 252-254.
    36. Broué et Tamime, 1996, p. chap. II.3 (voir chap. II.3).
    37. André Kaspi, Franklin Roosevelt, Paris, Fayard, 1988, (ISBN 978-2-213-02203-1), p. 376.
    38. Beevor, 2008, p. 261.
    39. Bennassar, « La guerre d'Espagne et ses lendemains », 2004, en part. 3e partie, ch. 5 : « Une répression scandaleuse par son ampleur et sa durée ».
    40. Hermet, 1989.
    41. (es) Ángel David Martín Rubio, Los Mitos de la Represión en la Guerra Civil, ed. Sekotia, coll. « Biblioteca de Historia », , 240 p. (ISBN 84-9689963-2 et 978-84-9689963-6, présentation en ligne).
    42. « Dante Par Mantarani Chez Bernat Esparza Et Francesc Pujols », sur Internet Archive https://archive.org/, (consulté le ).
    43. (en) Fred Licht, Goya : The Origins of the Modern Temper in Art, Universe Books, (ISBN 0-87663-294-0), p. 151.

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    Bibliographie et filmographie

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    Articles connexes

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    Liens externes

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